Ira-t-on vers une dissolution du Conseil Communal de Faléa ? Au regard de la persistance de la crise de gouvernance dans cette Commune du Cercle de Keniéba, cette éventualité apparait comme absolument logique.
Au cœur de cette crise, l’affrontement permanent de deux camps qui avaient pourtant rangé leurs armes suite à la médiation en 2017 de l’ONG ASFA 21, un acteur clé qui intervient depuis plus d’une quinzaine d’années dans le développement de cette Collectivité Territoriale de 20.000 Habitants.
L’origine de cette crise remonte aux élections communales du 20 novembre 2016 à l’issue desquelles une majorité entre deux principaux camps qui se disputaient le contrôle de la mairie ne s’est pas dégagée : Le camp du RPM (Rassemblement pour le Mali) conduit par Mamadou Keita dit Kéké et comprenant en outre la CODEM et le PVRM-Faso Ko et celui de l’URD conduit par le Maire sortant Mallé Camara et comprenant SADI, ADEMA, APR. Les deux principaux adversaires et tête de liste ayant obtenu le même nombre de voix et de sièges, c’est l’aîné, Mamadou Keita du RPM, conformément aux dispositions de la Loi, qui a été proclamé élu maire de la Commune Rurale de Faléa.
L’autre camp adopta une stratégie d’alliance au moment de la mise en place du Conseil Communal qui s’avéra payante : les places de 1er, 2ème et 3ème adjoint du Maire sont revenues respectivement à l’URD et SADI. Ce jeu d’alliance a fortement réduit les capacités de manœuvre du nouveau maire qui s’est senti isolé. Au lieu de jouer le principe de la collégialité et de la concertation pour assoir son autorité, il s’est mis dans une situation de défiance, marquant de la manière la plus maladroite et anti-démocratique son autorité et sa défiance vis-à-vis du Bureau Communal. Dans la foulée il a pris des mesures conservatoires: le retrait des cachets des trois adjoints qui seront par la suite court-cuités dans ses prises de décision ; le licenciement du Régisseur de la Commune, Moussa Monékata soupçonné d’être en collusion avec le Maire sortant et de jouer un rôle clé dans le dispositif de contrôle et de captation des ressources financières de la Commune ; le licenciement de l’agent chargé de l’Etat civil, Mady Samoura (qui sera repris quelques semaines plus tard suite à des médiations) ; la nomination d’un nouveau Régisseur à la Mairie de Faléa au nom de Aladji Keita chargé du recouvrement et du versement des recettes ;
Ces mesures ont été mal accueillies par le camp du maire sortant qui l’accuse de prendre des décisions illégales et arbitraires en dehors du Conseil Communal. Bien plus, ils l’accusent d’avoir relevé arbitrairement le Régisseur Moussa Monékata sans un débat préalable du Conseil Communal.
Des divergences entre les deux camps sont apparues également concernant de la perception des taxes et impôts au niveau des populations de la Commune Rurale de Faléa. S’y ajoutent les autorisations qui auraient été délivrées indûment par le maire aux exploitants de bois et qui ont occasionné la saisine par ses adversaires, de l’autorité de tutelle à Keniéba le chef-lieu de Cercle. Ces derniers ont également accusé un proche du maire, Amadou Almamy Keita d’utiliser frauduleusement et illégalement un cachet de l’ARACF (Association des Ressortissants et Amis de la Commune de Faléa) pour délivrer, en complicité avec le nouveau régisseur Aladji Keita des autorisations d’exploitation du charbon de bois.
Pour sa part, le maire réfute en bloc ces accusations et reproche à l’autre camp son absence aux réunions convoquées par lui (à l’exception notable du 3ème adjoint Amadou Diallo). Il évoquera non sans amertume les nombreuses plaintes formulées à son encontre auprès de la Justice par le camp adversaire.
Devant l’ampleur du conflit et après avoir vainement tenté de concilier les deux tendances, le Préfet du Cercle Mahamane Alfousseyni Maiga en informe le Directeur Exécutif de ASFA 21 Nouhoum Keita avec lequel il a eu un long échange téléphonique. Il a souhaité une forte implication de l’ONG pour trouver un dénouement rapide. Une autre sollicitation est venue du Programme d’Appui à la Gestion des Industries Extractives (PAGIE-GIZ de la Coopération Allemande) partenaire de ASFA 21. Son chargé de la Gouvernance locale Bréma Berthé s’était rendu à Faléa et avait constaté un dysfonctionnement au sein de l’équipe communale préjudiciable à la mise en œuvre de nombreux projets pilotés par ASFA 21.
C’est dans ce contexte que le 20 juillet 2017, ASFA 21, en compagnie du Conseiller PAGIE Tidiane Diakité et du Chargé de la gouvernance locale Brema Berthé a engagé une mission de bons offices à Faléa conduite par Diatrou Diakité chargé de la gouvernance des ressources minières et naturelles et comprenant également le Directeur Exécutif de ASFA 21 Nouhoum Keita ainsi que le Directeur Administratif et Financier feu Mamadou Diallo. Au préalable, elle a eu des rencontres très instructives à Keniéba auprès du Préfet et des élus.
Après quatre jour d’intenses négociations menées par ASFA 21, les deux camps se sont engagés à se réconcilier sur la base, entre autres, du respect des principes de bonne gestion administrative, du respect des lois et des règles de la bonne gouvernance, de la transparence, de la collégialité, du respect mutuel, de la confiance réciproque à cultiver et à entretenir. Ils se sont engagés à surseoir à toutes les poursuites judiciaires engagées les uns contre les autres et à privilégier la solution politique. A cet effet, le Juge de Paix du Cercle de Keniéba auprès duquel les partisans de Mallé Camara avaient porté plainte contre le Maire pour abus d’autorité (les décisions prises sans une délibération du Conseil Communal) a renvoyé les deux parties à un exercice de dialogue et de négociation pour trouver une solution amiable.
Egalement, le Tribunal de Kita devant statuer sur la plainte du Régisseur Moussa Monékata contre le Maire Mamadou Keita pour licenciement abusif a demandé aux deux parties le dialogue et de négocier pour trouver un arrangement entre elles. Aussi, l’association des Maires du Cercle de Keniéba dirigée par Bamba Keita s’est impliquée en envoyant une mission de bons offices à Faléa. Une rencontre à Keniéba entre les directions locales de tous les partis politiques siégeant au Conseil Communal de Faléa (RPM, URD, SADI, APR, ADEMA, CODEM) pour renforcer la réconciliation et définir la stratégie de leur contribution commune à la promotion de l’entente et de la cohésion au sein du Conseil Communal de Faléa a été envisagée.
Malheureusement, après quelques mois de répit, le bras de fer entre les deux camps a repris de plus belle faisant voler en éclat le mince espoir de compromis arraché par ASFA 21. Pendant sept années, les principaux protagonistes se sont livrés à une guerre de tranchée qui a totalement anéanti toute possibilité de décollage de la Commune qui fait face à une entreprise de prédation massive, systématique et meurtrière de ses ressources minières et naturelles par des opérateurs privés chinois, nationaux et de la région sur fond de corruption à grande échelle. Cette situation tragique engendre la destruction des bases de vie des populations de la Commune privées des services sociaux, réduites à la misère et à la merci de réseaux mafieux locaux qui s’enrichissent impunément.
Ce dysfonctionnement du Conseil Communal suscite colère et indignation des populations qui ne savent plus où donner de la tête, mais également des acteurs citoyens et du développement comme ASFA 21 qui craignent de voir leurs efforts et leurs investissements réduits à néant. Sa dissolution par les autorités nationales sera une véritable délivrance.
Amara Nouhoum Keita