Première visite du nouveau Ministre des mines à Faléa
Le 20 mai dernier, le nouveau ministre des mines a fait un détour par Faléa, dans les soutes du PDG de Rockgate Capital Corp. Ignorant royalement les recommandations formulées par les différents services techniques de l’État et les conclusions de la rencontre organisée à cet effet au ministère de l’Environnement et de l’Assainissement le 30 mars 2011, il a préféré se rendre à Faléa en compagnie de Karl Kottmeier pour y organiser une campagne de relation publique et se transformer en chargé de mission d’une compagnie multinationale. Curieux baptême de feu pour celui qui est chargé de mettre en œuvre la politique minière du Mali ! Nous vous proposons notre réponse à l’article publié par l’Essor n° 16947 du 24 mai 2011.
1. Les premiers constats établis par la mission scientifique du laboratoire de la CRIIRAD de Valence (France), conduite par son responsable, Bruno CHAREYRON, ingénieur de physique nucléaire de réputation internationale et financée à plus de 30.000 euros par le groupe des Verts-ALE au Parlement européen, d’une part, les informations scientifiques, la documentation sur les expériences d’exploitation d’uranium dans d’autres pays (notamment au Niger, qui partage un même espace géographique que le Mali ) et les conseils donnés par les eurodéputées écologistes Michelle RIVASI, experte réputée dans le domaine de la radioactivité et Eva JOLY, Présidente de la Commission Développement du Parlement Européen, d’autre part, sont ravalés par votre organe au rang de « spéculations et autres supputations les plus fantaisistes » sur le projet de recherche d’uranium dans la Commune rurale de Faléa.
2. Les très vives inquiétudes exprimées par les 21 villages de cette commune rurale relayées par l’ARACF et ses partenaires sont réduites à un simple « fâcheux malentendu entre les riverains (sic !) de la localité de Faléa, une commune rurale très enclavée du Cercle de Kéniéba, et les gestionnaires du projet ».
3. En dépit de leur grande crainte de perdre leurs sources de vie (terres, eaux, animaux, plantes utilitaires, etc.) et leur identité culturelle (lieux sacrés, cimetières…), malgré leur colère contre les autorités maliennes qui, depuis le démarrage des opérations de recherche en 2007, ne les a informées ou protégées d’aucune manière face aux sociétés minières, votre journal prétend que l’adhésion des populations de Faléa au projet de mine d’uranium est très enthousiaste et qu’elles sont plutôt impatientes de voir l’ouverture de la mine qu’inquiètes au sujet de ses conséquences. L’absence manifeste d’investigations sérieuses dénote du peu de souci que « L’Essor » se fait du sort des 17000 habitants de la Commune de Faléa.
4. Le Ministre des mines M.Amadou CISSE, lors de sa visite « d’information et de vérification » à Faléa, le vendredi 20 mai 201, a déclaré : « …Ce que j’ai vu et entendu me rassure » sans donner la moindre preuve technique et scientifique sur lesquelles il se fonde. A cet égard, nous rappelons que notre pays s‘est doté, depuis 2002, d’un service de contrôle de la radioactivité, l’AMARAP, qui est en même temps le conseil scientifique des autorités maliennes. Faute de ressources et de moyens logistiques, elle vient seulement d’effectuer en ce mois de mai 2011 sa première mission de terrain à Faléa. Les échantillons qu’elle a prélevés sur place sont en cour d’analyse et les résultats ne sont pas encore disponibles. Visiblement, le Ministre des Mines a ignoré cet outil auquel il devrait se référer logiquement avant toute déclaration officielle. La preuve en est qu’aucun représentant de cette institution technique et nationale n’a participé à cette mission d’une telle importance et dont l’effectif était pourtant très élevé. En outre, la DNACPN, service compétent du Ministère de l’Environnement, chargé du contrôle des pollutions et des nuisances et du pilotage de l’étude d’impact environnementale et social n’y était pas représentée.
5. En plus d’être rassuré sans que l’on sache sur quelle base concrète, le Ministre des Mines est allé plus loin : il s’est engagé résolument et de façon irrévocable pour l’ouverture de la mine. Ainsi, il a affirmé : « Oui, ce projet de Faléa va exister et il existera. Nous avons reçu des instructions du Président de la République, Amadou Toumani Touré, de diversifier les ressources minières de notre pays. Ce projet de Faléa constitue l’une des composantes de cette politique de promotion du sous-sol. Nous soutenons ce projet. À cet égard, il n’y a pas de raison de ne pas aller au bout de l’ambition qui est de réaliser une mine d’uranium pour la première fois dans notre pays ».
- Affiche du Parti des verts en Allemagne
- La seule chose qui est certaine avec le nucléaire, c’est le risque !
Alors, quelques questions à Monsieur le Ministre :
A. Est-ce que les dispositifs et procédures réglementaires du Mali comme la production d’une étude d’impact environnemental et social encadrée et validée par la DNACPN en concertation avec les autres services techniques maliens concernés, l’obligation d’obtenir un permis environnemental, l’exigence d’organiser sur place à Faléa une consultation publique pour prendre l’avis des populations locales, etc. tout cela est désormais considéré comme nul et de nul effet ?
B. L’ambition d’un gouvernement de diversifier les ressources minières de son pays doit-elle le conduire à soutenir aveuglement un projet minier comportant des dangers pour notre patrimoine écologique et pour la vie de 17.000 âmes de notre communauté nationale ?
C. Le Président de la République, au cours de l’audience qu’il a accordée à la mission Eva Joly – Michelle Rivassi, n’a pas exclu l’éventualité du choix d’un autre mode de développement alternatif à l’exploitation de l’uranium, à savoir, un développement axé sur la promotion du secteur agricole. Que pense le Ministre des Mines de ce point de vue du Chef de l’Etat ? Par ailleurs, conformément à la loi malienne, le Président ATT a affirmé que si la population de Faléa n’adhère pas au projet de mine d’uranium, le permis d’exploitation ne sera pas délivré par le gouvernement malien. Que dit Monsieur le Ministre de cette prise de position de la plus haute autorité de notre pays ?
D. S’agissant de la politique de diversification des ressources minières adoptées par le gouvernement malien, il a été établi par le Ministère des Mines et les investisseurs étrangers qu’ en plus du cuivre et de l’argent qui, eux, sont associés à l’uranium, la Commune rurale de Faléa regorge d’autres minerais dont l’exploitation est maîtrisable, tels que la bauxite (le plus grand potentiel d’Afrique de l’Ouest évalué à 439 millions de tonnes de réserve), l’or, le diamant, le fer etc.. Dans ces conditions, pourquoi limiter les efforts de diversification à un seul minerai qui est, par ailleurs, reconnu partout dans le monde d’aujourd’hui comme dangereux et peu rentable s’il est exploité dans les normes internationales, techniques, éthiques et démocratiques ?
6. Le gérant de Delta Exploration, Pierre Saadé et le président de Rockgate Capital Corporation, Karl Kottmeier, s’accordent pour dire qu’au stade de l’exploration et de la prospection de l’uranium, « … il est incompatible de parler de radioactivité qui n’est possible que lorsque l’uranium est enrichi. Même si l’exploitation débute ici à Faléa, elle ne portera que sur de l’uranium naturel qui n’est nullement offensif … ». Le directeur national de la géologie et des mines, Lassana Guindo, fait chorus avec eux et renchérit : « L’uranium à l’état naturel existe partout. C’est une substance naturelle comme tant d’autres. Nous vivons avec tous les jours. La radioactivité dont on parle ne peut venir que de l’uranium enrichi, tel que l’uranium 235. À part ça, le radon, le plutonium et autres ne sont que des éléments issus de l’uranium et qui n’ont aucun effet nocif sur l’organisme » ». Cela signifie, en clair, que les sociétés minières présentent à Faléa et les autorités maliennes rejettent les résultats des études et analyses reconnues par la communauté scientifique internationale (les laboratoires nucléaires, le conseil international des Médecins et Physiciens pour la Prévention de la Guerre Nucléaire-IPPNW…).
Cautionner et partager de telles déclarations mensongères et dangereuses est-il responsable de la part du gouvernement malien ? Après ces dénégations et ces proclamations surréalistes adressées au peuple malien, à toute notre nation et à la face du monde entier, les 17000 habitants de Faléa et ceux d’éventuels autres sites d’uranium du Mali peuvent-ils espérer être protégés et sauvés par notre Etat national du désastre de l’exploitation de mines d’uranium ?
7. Face à cette campagne d’intoxication des populations de Faléa et de l’opinion nationale, menée par les sociétés minières Delta Exploration et Rockgate Capital Corporation et cautionnée par les autorités maliennes,l’ARACF exprime sa profonde indignation et affirme sa détermination à poursuivre ses actions d’information et de sensibilisation saines, de formation et de mobilisation citoyenne pour contribuer à sauvegarder la vie et l’environnement des populations locales, à défendre et promouvoir tous leurs droits.
Selon le communiqué publié par l’ARACF du 30 mai 2011
Leçon de rattrapage pour futurs ministres de mines
L’impact radiologique de 50 années d’extraction de l’uranium en France. Exiger de COGEMA-AREVA un réaménagement satisfaisant des sites.