Comme dans la commune de Faléa ,les habitants de la commune de Narena, située dans la région de Koulikoro, cercle de Kangaba, s’élèvent eux aussi contre l’exploitation aurifère chinoise qui se déroule dans leur village et qui a des retombées sur leur vie quotidienne. Parmi eux, Balla Keita, un agriculteur dont une grande partie des terres a été envahie par des chercheurs d’or chinois. Balla, qui est fermement attaché à ses terres, a vu ses multiples démarches rester sans réponse, ce qui l’a poussé à partager une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux. Dans cette vidéo, il exprime son mécontentement face à l’inaction des autorités locales et au manque de solutions concrètes pour protéger ses terres. Pour lui, son champ d’environ 2 hectares est une source vitale pour sa famille, et il refuse catégoriquement de l’abandonner. « les travaux des Chinois entraînent des conséquences néfastes sur notre village. Nos cours, nos champs, nos jardins ne sont pas épargnés. Ils sont venus me voir et m’ont proposé d’acheter mon champ, une offre que j’ai rejetée. Par la suite, ils ont coupé une partie de mon champ d’arbres dans leur quête d’or, en me proposant 3 millions de francs CFA pour cette partie, et 6 millions pour la portion qui n’avait pas encore été touchée. J’ai réagi en leur disant que je pardonnais la perte des arbres, mais que je refusais aussi leur proposition d’achat. Je leur ai expliqué que ce champ constitue l’avenir de ma famille et qu’il ne doit pas être sacrifié. Je leur ai supplié, en leur expliquant que je n’ai jamais été à l’école, que je ne suis pas fonctionnaire, mais simplement un agriculteur. » Balla a ensuite consulté sa mère pour partager son désarroi face à la situation, mais aussi son engagement à ne pas abandonner. « J’ai toujours refusé leur offre d’achat », ajoute-t-il. Les Chinois ont alors tenté de le convaincre en lui affirmant que le champ ne lui appartenait pas, mais qu’il était la propriété du gouvernement. Face à ce discours, Balla a mis en garde toute personne qui tenterait de toucher à ses terres. Ils ont alors augmenté leur offre à 7 millions, puis 9 millions, mais il a à chaque fois réaffirmé son intention de conserver son champ. Pour résoudre ce conflit, Balla a rencontré plusieurs autorités locales : le commandant, le gouverneur, et même l’ex-premier ministre Choguel Maïga. Après vingt jours de lutte, Choguel a été relevé de ses fonctions. Le désaccord entre Balla et ceux qui cherchaient à s’emparer de ses terres est resté total. Les travaux nocturnes effectués par les chercheurs d’or ont culminé avec la coupe de ses arbres, ce qui a choqué et bouleversé l’agriculteur. « J’ai appelé l’adjoint du maire, qui m’a dit que ce n’était pas dans mon intérêt de refuser l’argent proposé par les Chinois. Il m’a même traité de tête dure. Je lui ai proposé de lui céder mon champ en échange du sien, mais il m’a traité de fou. Nos échanges ont été houleux. J’ai ensuite consulté le commandant, qui a reconnu que les Chinois n’avaient pas agi correctement, mais il m’a demandé si j’avais reçu de l’argent de leur part. Ma réponse n’était d’autre que J’ai refusé. Je tiens à mon champ. Avant même que les Chinois ne coupent mes arbres, je suis allé les voir à deux reprises, mais le commandant m’a dit que la décision venait d’en haut » Balla a alors insisté auprès du commandant pour qu’il prenne en compte les conséquences écologiques des travaux aurifères sur la population. Mais la réponse des autorités a été décevante. Pour attirer l’attention, Balla a publié une vidéo sur les réseaux sociaux, ce qui a conduit un média local à couvrir l’affaire. Cependant, il déplore que les véritables images de la situation aient été occultées au profit de fausses informations. « Les journalistes ont interviewé mon frère Lamine keita pour savoir s’il avait dit que le terrain n’était pas vendable. Lorsqu’on lui a demandé combien il demanderait comme compensation, il a évoqué que si les chinois étaient prêts a payé 100 millions de francs CFA. Cette réponse a été amplifiée dans le reportage, donnant l’impression que ma lutte était motivée par l’appât du gain. En réalité, mon combat est avant tout pour défendre mon champ et l’avenir de ma famille. » Suite à cette couverture médiatique, Balla a aussi rencontré le sous-préfet, qui lui a affirmé que le terrain ne lui appartenait pas. Balla lui a suggéré de vérifier la propriété légale du terrain pour plus de transparence. Lors de cette rencontre, il a mis en garde le sous-préfet contre ceux qui l’ont approché, soulignant qu’ils n’étaient pas de bonne foi.Balla Keita dans son engagement inébranlable n’attend pas abandonner son champ qu’il a acquis en 2004, pour rien au monde.
Amara Nouhoum Keïta